Depuis le début de la crise sanitaire liée au COVID 19, il est beaucoup question du droit de retrait pour les salariés. De quoi s’agit-il exactement ? Quand le déclencher ? Quelles conséquences sur le contrat de travail ?
Essayons d’y voir plus clair…
Que dit le Code du travail ?
Avant tout, la Loi met à la charge de l’employeur une obligation de sécurité au bénéfice de ses salariés. Il doit prendre toutes les mesures de protection pour éviter de les exposer à des risques (article L 4121-2 du Code du travail).
En cas de non-respect d’une telle obligation, la responsabilité de l’employeur peut être engagée. En d’autres termes, si un salarié a été mis en danger par les directives de l’employeur ou par la carence de ce dernier dans la fourniture d’équipements de protection par exemple, il pourra saisir le conseil de Prud’hommes ou le Pôle social du Tribunal Judiciaire (anciennement dénommé Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale), pour obtenir indemnisation du préjudice subi.
Une autre voie peut être choisie en amont par le salarié, à savoir l’exercice de son droit de retrait.
L’article L4131-1 du Code du travail dispose :
« Le travailleur alerte immédiatement l’employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu’il constate dans les systèmes de protection.
Il peut se retirer d’une telle situation.
L’employeur ne peut demander au travailleur qui fait usage de son droit de retrait de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent résultant notamment d’une défectuosité du système de protection. »
Le critère principal à prendre en considération est celui du danger grave et imminent pour la vie du salarié ou sa santé. Si le salarié constate que l’exercice de la mission qui lui est confiée peut mettre sa vie ou sa sécurité en jeu, il peut se retirer d’une telle situation. En d’autres termes, il pourra exposer à son employeur qu’il estime qu’il est placé dans une situation dangereuse et cessera de travailler jusqu’à ce que son employeur prenne les dispositions pour sécuriser la situation de travail.
La question de l’appréciation du danger se pose alors. Le danger doit-il être réel ou le simple fait que le salarié pense se trouver dans une situation de danger suffit ?
En réalité, il importe peu que le danger soit effectif et se réalise effectivement du moment que le salarié ait pu raisonnablement penser que sa vie ou sa santé étaient en danger compte tenu de ses connaissances et de son expérience.
L’employeur doit procéder à un examen au cas par cas de chaque situation.
Comment faire pour exercer son droit de retrait ?
La Loi n’exige aucun écrit. Toutefois, dans un souci de se prémunir de toute difficulté ultérieure en cas de contentieux devant un Conseil de Prud’hommes, il est conseillé d’adresser une Lettre avec Avis de réception à son employeur en indiquant faire usage deson droit de retrait en précisant les raisons.
Quelle incidence sur le salaire ?
L’employeur ne pourra aucunement suspendre le paiement du salaire du travailleur ayant exercé son droit de retrait. Celui-ci sera dû en son intégralité, sans retenue possible (article L 4131-3 du Code du travail).
L’employeur peut-il procéder à un licenciement ?
Au regard des dispositions du Code du travail, l’employeur ne peut prendre aucune sanction ni prononcer un licenciement à l’encontre du salarié qui a exercé son droit de retrait (article L 4131-3 du code du travail).
Si l’employeur décide malgré tout de rompre le contrat de travail pour un motif lié à l’exercice par le salarié du droit de retrait, le licenciement prononcé sera déclaré nul. Le salarié pourra alors réintégrer son emploi ou obtenir une indemnisation. Il conviendra pour cela de saisir le Conseil de Prud’hommes.
Quelles contestations par l’employeur ?
Pour le cas où l’employeur estime que le salarié a abusé de son droit de retrait alors que les conditions n’étaient pas remplies, il peut alors prononcer une sanction à l’encontre du salarié et procéder à une retenue sur salaire pour les heures non travaillées.
En cas de contestation, le litige sera apprécié par les Juges du Conseil de Prud’hommes en fonction des circonstances et au cas par cas.
Quelles applications dans le contexte lié au COVID 19 ?
Il ne peut pas être demandé à l’employeur de garantir ses salariés de toute exposition à des risques mais plutôt de les éviter le plus possible s’ils ne peuvent être évités. Il sera demandé aux employeurs d’évaluer les risques au jour le jour, en fonction des données fournies par les autorités publiques. L’employeur devra alors prendre toutes mesures adaptées pour protéger un maximum ses salariés. Ces mesures, au-delà des fameux gestes barrières, seront variables en fonction du secteur d’activité.
Il est fort à parier que ce caractère variable nourrisse un contentieux important devant les Juridictions prud’homales dans les mois et années à venir.
En tout état de cause, avant d’user de son droit de retrait, mieux vaut prendre le temps de la réflexion et ne pas hésiter à prendre conseil.
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Sébastien HABOURDIN