Vous venez de faire construire une maison ou réaliser d’importants travaux de rénovation. Des désordres apparaissent. Vous disposez d’un procès-verbal de constat d’un commissaire de Justice et d’un ou plusieurs devis de réparation. Pouvez-vous saisir de suite un juge aux fins d’obtenir une indemnisation ?
ABSENCE D’EXPERTISE
Cette stratégie apparait pour la moins risquée. Le constat d’un commissaire de Justice comme son nom l’indique n’est qu’un constat et ne comporte aucune analyse sur les désordres, qu’il s’agisse de la nature des désordres (atteinte à la solidité de l’ouvrage ou impropriété à destination), de leur date d’apparition (avant ou après la réception) ou de leur caractère visible ou non à réception. Ces éléments sont fondamentaux pour analyser le régime de responsabilité applicable.
Concernant le chiffrage, un ou plusieurs devis sont insuffisants en ce que le chiffrage n’a pas été établi de manière contradictoire de sorte que des contestations pourront intervenir tant concernant l’étendue des travaux de reprise que concernant leur chiffrage.
Au regard du caractère technique du contentieux de la construction, une expertise technique apparait nécessaire.
EXPERTISE AMIABLE
Conscient de cette difficulté, puis-je mandater un expert privé à l’effet d’opérer cette analyse des désordres et valider le chiffrage? Cette analyse sera-t-elle suffisante?
Malheureusement, la jurisprudence répond par la négative à cette question (Cour de Cassation, Mixte, 28 septembre 2012, n°11-18.710):
» Mais attendu que si le juge ne peut refuser d’examiner une pièce régulièrement versée aux débats et soumise à la discussion contradictoire, il ne peut se fonder exclusivement sur une expertise réalisée à la demande de l’une des parties »
Ainsi, dans le cas d’une demande judiciaire au fond en indemnisation fondée sur une expertise amiable, un rapport amiable doit impérativement être corroboré par d’autres éléments de preuve (Cass, Civ. 3ème, 16 février 2022, n°20-22778):
« Il résulte de ce texte que le juge ne peut pas refuser d’examiner un rapport établi unilatéralement à la demande d’une partie, dès lors qu’il est régulièrement versé aux débats et soumis à la discussion contradictoire des parties. Il lui appartient alors de rechercher s’il est corroboré par d’autres éléments de preuve »
Il résulte de ces éléments qu’une expertise amiable ne peut suffire à elle seule.
Le rapport d’expertise pourrait être complété par une analyse technique circonstanciée et détaillée d’un constructeur ou un autre rapport émanant le cas échéant de l’autre partie ou de son assureur qui se complète.
LE NECESSAIRE RECOURS A L’EXPERTISE JUDICIAIRE DANS LES DOSSIERS COMPLEXES
Lorsque l’enjeu financier est limité, il peut être possible de sa fonder sur une expertise amiable corroborée par d’autres éléments de preuve et de solliciter le cas échant subsidiairement une expertise judiciaire devant le juge du fond.
Cette stratégie est toutefois risquée dans la mesure où la mesure d’expertise ordonnée par le juge du fond relève de son pouvoir souverain. Ce dernier pourrait d’ailleurs la rejeter aux motifs qu’elle aurait pour objet de palier la carence du demandeur dans la charge de la preuve.
Lorsque les enjeux financiers sont importants, l’expertise judiciaire apparait incontournable à l’effet notamment d’obtenir un chiffrage contradictoire des travaux de reprise validé par l’expert qui servira de base à la demande d’indemnisation et qui pourra dès lors difficilement être contestée au fond.
Avocat