La Cour de cassation avait considéré en 2017 que « les désordres affectant des éléments d’équipement, dissociables ou non, d’origine ou installés sur existant, relèvent de la responsabilité décennale lorsqu’ils rendent l’ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination » (Civ. 3e, 15 juin 2017, n° 16-19.640).

PROTECTION DU MAITRE D’OUVRAGE

Cette jurisprudence avait suscité beaucoup d’interrogations en ce que des travaux portant non constitutifs d’un ouvrage (pose d’un insert, d’un ballon d’eau chaude, d’une pompe à chaleur…) étaient susceptibles de relever de la garantie décennale.

Cette jurisprudence bousculait quelque peu le fondement de la garantie décennale dont la mobilisation était conditionnée à la création d’un ouvrage.

L’objectif initial de cette jurisprudence était manifestement de protéger le maitre d’ouvrage notamment en cas de liquidation judiciaire de l’entrepreneur en ce que l’assureur décennal pouvait dans ce cas être mobilisé.

Encore fallait-il que l’entrepreneur s’assure préalablement…

REVIREMENT

Après un peu moins de sept ans d’application, la Cour de Cassation vient d’opérer un revirement motivé dans le cadre d’un arrêt en date du 21 mars 2024 (Cass, Civ. 3ème, 21 mars 2014, n°22-18.694):  » Il apparaît nécessaire de renoncer à cette jurisprudence et de juger que, si les éléments d’équipement installés en remplacement ou par adjonction sur un ouvrage existant ne constituent pas en eux-mêmes un ouvrage, ils ne relèvent ni de la garantie décennale ni de la garantie biennale de bon fonctionnement, quel que soit le degré de gravité des désordres, mais de la responsabilité contractuelle de droit commun, non soumise à l’assurance obligatoire des constructeurs ».

La Cour explique son changement de position au regard de la complexité de la jurisprudence issue de ce changement de 2017. En 2020, elle avait limité l’application de sa jurisprudence aux éléments d’équipements destinés à fonctionner (Cass, Civ. 3ème, 13 février 2020, n°19-10.249) ce qui avait conduit à différencier les éléments d’équipement destinés à fonctionner des autres.

En outre, la Cour indique : « D’autre part, il ressort des consultations entreprises auprès de plusieurs acteurs du secteur (France assureurs, Fédération nationale des travaux publics, Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment, Fédération française du bâtiment, Institut national de la consommation) que les installateurs d’éléments d’équipement susceptibles de relever de la garantie décennale ne souscrivent pas plus qu’auparavant à l’assurance obligatoire des constructeurs. La jurisprudence initiée en 2017 ne s’est donc pas traduite par une protection accrue des maîtres de l’ouvrage ou une meilleure indemnisation que celle dont ils pouvaient déjà bénéficier au titre d’autres garanties d’assurance ».

La Cour de Cassation revient donc à une position plus orthodoxe puisque désormais s’agissant des éléments d’équipement adjoints à un ouvrage existant, soit :

  • L’élément d’équipement constitue en lui-même un ouvrage et le régime applicable est celui de l’article 1792 du code civil, dès lors que les désordres portent atteinte à la solidité ou à la destination de l’ouvrage, avec une prise en charge au titre de la garantie d’assurance RC décennale obligatoire;
  • L’élément d’équipement ne constitue pas en lui-même un ouvrage et auquel cas les désordres relèvent de la responsabilité contractuelle de droit commun, avec une possible prise en charge au titre des garanties facultatives TNCO (garantie dommages intermédiaires, garantie dommages aux existants, garantie dommages immatériels consécutifs);

N’hésitez pas à contacter le cabinet.

Gautier LACHERIE

Avocat au Barreau de BETHUNE